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Phantasma Kai Aletheia
14 octobre 2013

Plus d'excuses, Ou Comment les 20km de Paris m'ont niqué tous mes alibis.

Avant la course

Une semaine bizarre : Un RP sur 10km le lundi (50'25). Un 20km plutôt actif en 1h52 le mardi. Une pause bien trop longue le mercredi, jeudi, vendredi et samedi. Ma 'dernière sortie d'avant la course' (dixit Pasaprèspas) est donc loin, loin, avant la course. Je regrette de n'avoir pas réussi à me motiver pour en faire une dernière petite, le jeudi ou le vendredi, et de m'être laissée influencer par la météo maussade (froide et pluvieuse). Résultat : en fin de semaine, je me sens à la fois démotivée et frustrée (pas assez d'activité, jambes impatientes). Le samedi, je décide que je suivrai mon partenaire de course et meneur d'allure sur 1h50, que ce sera déjà bien si j'arrive à la boucler en 1h50, et qu'on "verra bien après". D'autant que, comme à la veille de chaque course officielle, j'ai une somatisation en guise d'alerte (les ischios jambiers gauches cette fois).

Je me briefe à fond le samedi soir, à fond et bien, échaudée par ma blessure de l'année dernière : aucune course et aucun chrono ne valent 6 mois d'arrêt pour blessure. Tu commences la course, et si tu sens une douleur louche, tu ralentis. J'envisage même sérieusement la possibilité de m'arrêter en cours de course. Je visualise bien les différents cas de figure. C'est bon, je suis prête.  Enfin, je suis prête pour ne pas me blesser.

La nuit

Agitée. Ces temps-ci je lis quelques blogs de course, y compris des féminins, et forcément, lire les défis (et les chronos) des autres, ça émule-ça émule. Et donc, ça stresse-ça stresse la petite chose impressionnable que je suis. Et puis, à une course de 29000 coureurs, c'est un peu plus difficile de dire "chère course, je te considère comme un footing lent du dimanche". J'arrive à dormir 4h30, ce qui est plutôt pas mal comparé à d'habitude. Le matin, petit dej' kiwi-yaourt soja-café. Mon ex, solidaire, s'est levé pour me soutenir. Je glandouille un peu, je regarde l'horloge tourner pour être sûre que je vais être légèrement en retard sur mon programme (sinon, je n'ai pas le pic d'adrénaline suffisant pour y aller et pour kiffer). Je m'habille en 2-2. Je checke mes affaires. Mon coloc me montre un kamoulox pour me motiver (technique discutable). Et c'est parti.

Le métro 

Je repère les gens en tenue susceptibles d'être mes adversaires du jour. Je rentre le ventre et dégage les épaules, j'envoie des signaux belliqueux en tapotant du pied, genre impatiente de tout péter (technique préhistorique consistant à impressionner et saper le moral de ses futurs adversaires). Je repère une fille black, fine, seule, concentrée, écouteurs sur les oreilles. Je me dis "rivale sérieuse". Aucune de nous ne sait qu'on va se revoir.

Outside

J'arrive à l'heure. Il fait froid, mais beau. Les gens sont détendus. Je repense à cette même arrivée l'an dernier, à 10h, à la bourre, à peine réveillée, à l'arrache, où j'avais fait pipi dans les buissons (clairsemés, à mon grand dam) du jardin du Trocadéro, avant de me magner pour rejoindre la dernière vague prête à partir. Là, je suis grave en avance. Je dépose mon sac à la consigne sur le stade à l'herbe en plastique, jette un oeil distrait à l'habituelle chorégraphie ridicule des gens qui s'échauffent en aérobic musical, et je rejoins le camion des meneurs d'allures au pied de la Tour Eiffel. Ces derniers se préparent, ça se met des perruques, ça fait des photos, ça plaisante. Arrive le moment fatidique du pipi d'avant course. Où, quand, comment? J'en ai très envie, mais je me prends à douter : il reste plus d'une heure avant le premier départ. Je pisse maintenant ou j'attends un peu? Je tente les buissons devant les riches demeures (clairsemés, encore, décidément) ou je me lance à la recherche des cabines adéquates? De cruciales questions qu'on néglige parfois et qui ont un fort impact sur cette phase de préliminaires, où le moindre détail compte. Tout doit être en ordre : le ventre, la vessie, la tête, les fringues. J'ai une pensée émue pour Rafael, mon ami et modèle en la matière, qui disait récemment dans un bouquin lorsqu'on l'interrogeait sur ses rituels et ses tics, tocs, d'avant match, "Je tente de faire coincider l'univers avec l'ordre que je construis dans ma tête".

Je choisis le buisson clairsemé -je constate d'ailleurs que je ne suis pas la seule à l'avoir élu- et je m'emploie à faire ma petite affaire de façon aussi discrète que rapide. Là, un déclic se fait (où je vais d'ailleurs mesurer toute l'avancée psychologique réalisée depuis quelques années). Je commençais à pisser stressée mais tout à coup je décide de m'offrir ce moment de détente. Ce moment rien que pour moi, je décide qu'on ne me le volera pas. Que, si quelqu'un me voit, je ne me grouillerai pas de terminer, j'irai jusqu'au bout, relax, et avec du plaisir. Et c'est ce que je fais. *

*je viens de perdre 80% de mon lectorat masculin, j'en ai bien conscience, mais je m'en fous. J'ai tellement kiffé ce moment.

Le sas

C'est l'heure de rentrer dans la vague, le sas. Le truc où t'attends une heure en piétinant et en perdant ton influx nerveux (et où ton envie de pisser est susceptible de revenir en sus). La quarantaine du boeuf qui attend sagement son tour pour l'abattoir. L'Ellis Island du sportif médiocre (au sens étymologique du terme, s'entend). Ou comment toi le pauvre immigrant, tu regardes avec envie la statue de la liberté, sous forme de dossard préférentiel ou de sas élite, prendre le départ de ta course rêvée.

En fait le sas, j'aime bien. Tout le monde est excité, ça discute, ça rigole. Je commence à blablater avec une fille qui compte suivre "mon" meneur d'allure 1h50. On discute de tout et de rien, du vin bu la veille, de nos prévisions. Elle s'appelle Laurence, elle a les cheveux blond vénitien et j'apprendrai plus tard qu'elle est bretonne. (coucou si tu me lis: )). 

Donc le sas, j'aime bien. Sauf que, à force de rigoler, de sociabiliser et de sentir l'excitation du départ monter, j'en oublie de déclencher mon GPS. Résultat : c'est notre départ, et je n'ai pas allumé ma montre.

La course

Petite montée de panique à l'attaque des premiers mètres de la côte du Trocadéro. Le GPS ne capte pas, les secondes défilent, j'appuie comme une forcenée, je l'éteins-je le rallume, je peste, toujours rien. Ca commence à m'énerver. Romuald me dit de me détendre, et de lui faire confiance. Oui, mais j'ai envie de faire mieux qu'une heure 50, je me dis dans ma caboche. Il me dit d'au moins déclencher un chrono. Hein quoi? Ah oui, pas con, mais trop tard, il faudrait que je rajoute des secondes, minutes, bref, ce ne sera pas précis donc c'est nul. Je fais une dernière tentative GPS vaine, on approche de la fin de la côte, et là ça y est, je la sens. La colère qui donne des ailes. La rage de vivre. Le combat commence; sur une impulsion, j'accélère en me justifiant auprès de Romuald : "Bon, ben j'y vais". Il me fait un pouce levé, je lui fais un pouce levé. Objectif : le lâcher lui et sa flamme "1h50" et ne jamais le voir revenir. Ma montre est éteinte et le restera tout au long de la course. 

La libération ! Aucune indication : vitesse ? temps ? kilométrage? J'en sais rien, donc je fonce. Enfin je fonce...J'écoute mes sensations comme au bon vieux temps, pas si vieux d'ailleurs, où je courais sans rien. Je sens que je vais vite.

Au kilomètre 6, je me souviens qu'une côte est à venir; je ralentis un peu et je maintiens. Les gens autour de moi sont de tous âges, tous formats, tous styles. Y a des culottes de cheval, des tout maigres, des sexy, des humbles et des quis'lapètent. Arrive la côte, que j'aborde tranquille. C'est ma hantise les côtes, mais j'ai décidé juste d'assurer, de ne rien tenter de chelou. A mi-côte, au km8, je dépasse une jeune black - flash - la nana du métro ! - je me retourne et lui lance un regard en la dépassant (pas méchant, plutôt genre naive "Ohé! On se connaît! Tu te souviens ?). J'hésite à lui dire "coucou, on était dans le même wagon tout à l'heure" mais je me dis qu'elle va mal le prendre, elle a l'air de galérer et elle se fait dépasser par une vieille blanche (elle doit avoir la vingtaine et moi 34). Moi, je suis toujours à moitié exaltée quand je reconnais des gens que j'ai croisés par hasard dans le métro (je suis ultra physionomiste en plus). Bref, je continue ma côte. Au sommet, km9, je fais l'inventaire de mes forces. ça va : pas de casse. J'aperçois à quelques mètres devant moi, une flamme 1h50. Nooon, ça ne peut pas être Romuald quand mê....Non ! Ouf, il s'agit du meneur d'allure 1h50 de la vague précédente. C'est une jolie nana, avec un tatouage bas résille sur la cuisse arrière. Facile à repérer. Et donc, j'ai gagné quelques minutes, peut-être 5. Je la dépasse et continue à penser "gestion, maintenir".

NDA : Après, j'ai une sorte de trou. Entre le km9 et le km13, je ne sais plus trop ce qui s'est passé. Désolée pour le compte rendu. On va faire une ellipse. Je crois que j'ai surtout regardé à l'intérieur (de moi) et à l'extérieur, les pavés, le bitume, le sol.

Kilomètre 13 : celui-là je m'en souviens, sans doute parce que j'avais les yeux rivés sur le sol et que j'ai vu la marque. Là, je me dis putain, km13. C'est tout ! On arrive sur les quais de seine, on voit la Tour au loin, on passe le gigot d'agneau doré (à moins qu'il s'agisse d'un rôti de sanglier? Il faudra que je vérifie un jour). Je sens la fatigue musculaire dans mes cuisses. Je ralentis un peu, les lignes droites sont interminables. Je me retrouve à coté d'un coureur qui souffle bruyamment. On a la même allure,à un moment je me dis qu'il a l'air de souffrir, alors je risque un oeil : il sourit. Il respire en geignant, et il sourit. Alors je me dis que merde, moi non plus je ne dois rien lâcher. 7 km, c'est rien : c'est la dernière boucle des Chasseurs de Temps. ça se fait. Tu vas le faire. Je reprends du poil de la bête. Ya de plus en plus de gens sur les ponts et les bas côtés. ça encourage Je vois une nana d'une quarantaine d'années avec une pancarte "Allez mon doudou". Je me dis que moi aussi, j'aimerais bien que mon copain se lève un dimanche et fasse ça pour moi. En l'occurrence il est derrière moi à quelques minutes, avec sa flamme 1h50. Je suis blonde.

Le kilomètre 15 met quand même des heures à se pointer. Le ravitaillement passe, je ne prends toujours rien. Pas bu, pas mangé, juste finir cette putain de course le plus vite possible. C'est pas bien (question hydratation) mais je n'ai pas soif, et je bois toujours beaucoup avant la course. Je slalome entre les peaux d'orange, manque de glisser, assiste à deux ou trois scènes énervées (dont un mec qui se prend une bouteille d'eau dans le dos et la responsable qui se confond en excuses). Je reste concentrée sur "maintenir": ni accélérer -c'est beaucoup trop tôt- ni se décourager, parce que je sens (même si je n'ai aucune indication sur ma vitesse) que je suis un peu moins rapide ou en tout cas plus en force que sur la première moitié. Et là, la délivrance : le tournant du km17. Hop, on change de quai, c'est la dernière, longue mais dernière, ligne droite.

C'est la partie que j'ai le moins aimé de la course : la route devient très étroite, pour dépasser je dois doubler en montant sur la margelle du trottoir, voire sur l'herbe à un endroit. ça s'engorge à mort, ça bouchonne. A un moment, je me retrouve coincée derrière un mur de lents; je ralentis, et, pendant quelques secondes, je me surprends à me dire "Allez, repose-toi un peu". Quoi, repose-toi un peu?? Alors que t'es même pas à fond ?? Je me resaisis et je double. Les deux derniers kilomètres sont à peu près semblables : trop de monde, beaucoup de slaloms, qui hachent l'allure. Je n'arrive pas à accélérer assez à mon goût, c'est trop bouché. Je pense que je perds au moins deux minutes dans les 3 derniers km, rien qu'à cause de l'engorgement. Preuve en est que je passe la ligne d'arrivée encore assez fraîche (merde!!); les jambes bien cassées quand même, mais le souffle ok, pas du tout out-of-breath.

Je mémorise le chrono officiel en me disant que je pourrai calculer mon temps à partir de ça tout à l'heure. Pour le moment, je sais que j'ai fait un peu mieux qu'1h50 puisque Romuald ne m'a jamais rejointe, mais je ne sais pas combien mieux. How much better. (oui, bon).

Le pari est remporté quoi qu'il arrive. Reste le bonus?

Nous voilà donc tous tassés comme des boeufs, encore, à l'arrêt, juste derrière la ligne d'arrivée. J'attrape une bouteille d'eau, et puis je décide de remonter la foule dans l'autre sens pour retrouver Romuald. Je fais ça pendant quelques minutes, les yeux au ciel en quête de la flamme violette. Je trouve d'abord la meneuse d'allure au tatouage sexy, qui me félicite et me dit qu'elle a finit en 1h49 et des. On blablate un peu, je lui dis que l'an passé j'ai fait 1h57, elle pousse un cri d'admiration devant la progression.(ok, elle n'a peut-être pas crié). Je repars fendre la foule à l'envers et je retrouve Romuald et sa flamme On débriefe, je lui dis que j'ai rattrapé la fille au tatouage, il a l'air épaté, c'est bon signe. Il me dit que j'ai dû faire 1h45. Mouais, je m'enflamme pas. Tant que j'ai pas mon chrono officiel, j'ai rien. Je préfère me dire que j'ai fait un truc comme 1h48.

Je retrouve aussi Laurence, copine du sas de départ, on débriefe, on plaisante, on blablate. On s'échange adresses, noms et autographes au marqueur sur nos dossards respectifs. Comme à la fin d'une colo, on se dit qu'on va se recontacter et qu'on s'écrira des cartes postales. On rit, on discute marathon. Elle en a quelques-uns à son actif et on a à peu près le même niveau, donc ça renforce ma motivation à bientôt courir mon premier.

Ensuite, c'est classique : retour aux consignes, foule partout, herbe en plastique, hydratation... Ah oui, si, quand même : on retrouve le camion des meneurs et Dominique Chauvelier de lancer à Romuald : "Bah alors qu'est ce que tu foutais, t'attendais ta copine?" Je réponds "Ah non, c'est moi qui l'ai attendu".  "Ah, tu es une championne alors". "Oui voilà c'est ça". Bref, j'ai claqué la bise à Dominique Chauvelier.

Moralité

numéro 1 : sans montre, courir aux sensations, c'est bien cool, et ça marche. Etre un peu énervée, ça marche aussi.

numéro 2 : Je termine en 1h42'06", soit clairement mon RP. (contre 1h46 il y a trois semaines, et 1h57 sur les 20KM de Paris 2012). Par contre maintenant, y a un problème, un gros problème. Hé oui ma cocotte...Tu n'as plus d'excuses. Tu ne peux plus te dire coureuse médiocre ou du dimanche. Tu ne stagnes pas. Et tu es encore fraîche à la fin. Et tu n'as jamais fait de fractionné. Tu ne peux plus t'abriter derrière tes alibis habituels (oui mais j'ai 3kg en trop...) (oui mais je suis nulle...) (oui mais je ne suis pas faite pour courir...) etc. Hé oui, c'est fini tout ça. L'année prochaine, tu as le droit à un dossard préférentiel. Ma cocotte, ça y est, tu vas devoir faire.....du.....fractionné.

Le pire, c'est que j'ai presque hâte.

 

  Prénom Temps réel à l'arrivée Classement réel à l'arrivée
  ISABELLE 01:42:06 7952 / 23865
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Commentaires
P
Pas d'eau, pas de sucre ? T'aime bien tout faire à ta sauce ! Tu peux pas être à bloc sans un petit ravito ! D'ailleurs, t'as perdu des places tout du long :-P
R
Pour l'an prochain tu peux mettre une option sur une flamme verte (pas à suivre mais à porter) ;) ... régularité, performance et la bise de Chauchau, la classe !
E
C'est clair, c'est pas une course hyper polie, c'est un peu chacun pour soi contre les 28000 autres. A 100 mètres de l'arrivée, un mec m'a dépassée en me disant "pousse-toi" (texto hein), le tout pour finir...3 secondes avant moi.
N
Bravo! C'est quoi cette course où tout le monde défonce son arrière-grand-mère sans prévenir sans déconner?<br /> <br /> J'adore le mec que tu croises et qui va mal mais qui sourit. Il devait avoir l'air complètement fou. :D<br /> <br /> Bref, belle course!
P
Je décèle un sacré potentiel de "grosse chieuse" en toi. C'est un compliment bien sûr. Il va falloir voir si tu veux l'exploiter. Probablement en allant contre mes conseils, et en le kiffant bien sûr. Non ? :)
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