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Phantasma Kai Aletheia
22 octobre 2013

Pourquoi je cours

En lisant l'excellent article de daddythebeat à ce sujet, je me suis interrogée sur ma propre pratique. Je vous préviens quand même, je n'ai pas trop de choses émouvantes à dire ici, mes parents étant toujours ensemble et en bonne santé (mon père met sa race à tout le monde au tennis, ma mère nous enterre tous en énergie), ayant la chance d'avoir deux frangins magnifiques et une frangine qu'on n'en parle même pas tellement qu'elle est sensible, intelligente, spirituelle et jolie (ça y est Lau, tu me lis?). Ah! Ma grand-mère est une perle et mon coloc un panda calin. J'en oublie mais en gros, je baigne dans un environnement tellement bienveillant que je me demande si je vais pas payer un jour ce gros coup de bol karmique.

Bon, j'ai bien eu une petite chatte pendant 4 ans que j'ai élevée, aimée puis qui est morte dans mes bras après une longue agonie, et que mon meilleur ami, aka La Planche Qui Grince, m'a aidée à enterrer. Et oui, j'ai tellement pleuré ce jour-là et les semaines qui ont suivi, que je peux légitimement parler de deuil.

Mais voilà, je ne cours pas pour Pipoune, aussi adorable était-elle, aussi belles les émotions qu'elle m'a procuré furent. J'ai cherché s'il y avait de nobles raisons à ma course, mais je crains qu'elles soient toutes excessivement narcissiques. Alors je vais faire comme Rousseau, brandir l'étendard de l'honnêteté et espérer que parler de soi puisse faire vibrer certaines de vos cordes. Comme quand on accorde une guitare à la main, qu'on fait un son et que la corde à vide s'allume et se met à vibrer par harmonie, vous voyez? Aussi parce que je trouve, au final, qu'on n'est habilité qu'à parler de soi. Tout le reste : présomption, projection, fantasme. Bref. Fini de préambuler, déambulons.

 

La nature

 En bonne Nord-Finistérienne -le préfixe est important, n'allez pas me gonfler avec Bénodet, Bénodet, c'est moche- que je suis, j'ai grandi parmi les mouettes qui crient et le goémon qui pue. Ce que j'entendais le soir à travers le vélux de ma chambre c'était le vent, et/ou la pluie. 'Ma' plage est à 5 minutes (tapez Brignogan, plage du Phare sur google images). Je jouais aux billes dans l'herbe, je faisais du vélo sur alias le terrain cross, mes week ends c'était la plage, celle-là ou une autre, et ses variantes : camping à la plage - baignade d'hiver - escalade de rochers - rando dans la dune - et plus tard - révisions de partiels à la plage - pique nique à la plage, feux de camp à la plage, premier baiser à la plage, je caricature à peine.

Donc quand je me retrouvai mutée à Mantes la jolie, version zep violence (#teamValfouré), le choc fut rude, et encore plus rude lorsque j'investis Paris.

Pour la faire brève : agoraphobie, métrophobie, bruit phobie me rendent au choix hystérique ou prostrée. Je n'aime rien autant que ma bulle. le silence, et la nature. Bref, il a fallu agir vite, et j'ai commencé à aller faire des footings dans le bois de Vincennes. Voilà. C'est simple. J'y vais 4 fois par semaine environ. Je connais tous les petits chemins, la forme des arbres, les endroits où ça boue. (Ya de l'abattage route de la demi-lune en ce moment d'ailleurs.) J'adore chaque saison, l'atmosphère y est unique; les odeurs, la densité de l'humidité de l'air même, quand on fait gaffe. La brume d'hiver, les aiguilles de pin chaud l'été. Et je sais comment faire 20km dans ce labyrinthe sans croiser plus de quelques rares personnes, tandis que les trois quarts des runners tournent autour du lac de Daumesnil comme des playmobils (qu'ils y restent). Au coeur du bois, je croise des écureuils, des hordes de corbeaux, des chiens et quelques habitués parfois, plutôt des égarés, mais ça me va bien, je me sens égarée moi aussi. En plus aucun psychopathe ne pourra jamais me tuer parce que je ne cours jamais à la même heure.

Prendre soin de soi   

A une époque, j'avais quelques kilos en trop, rien de très voyant, mais je sentais l'inconfort physique. Et très clairement, la course à pied pour mincir c'est top, on va pas se mentir. Pas de trucs chelous à faire en salle, pas de matos, pas de blabla, tu cours, tu respires, et en plus, ça marche même si tu cours doucement. J'ai toujours adoré courir longtemps, donc c'était encore plus efficace. Maintenant que j'ai testé différents poids et trouvé l'équilibre, je cours pour respecter mon corps. Quand je le maltraite par trop de nourriture, ou par de la négligence x ou y et que je m'en rends compte, je lui parle et je lui demande pardon. Je me promets de le soigner. Je vais faire une petite course lente, et j'enclenche à nouveau le cercle vertueux. Plus tu te soignes, plus tu te soignes. Je crois que notre corps est un cadeau. Je m'en suis rendue compte assez tardivement. Je croyais, avant, que m'occuper de moi voulait dire : être égoiste. Que je devais m'occuper des autres plutôt, en priorité. J'avais vraiment ce truc judéo-chrétien de culpabilité par rapport à ça. Hyper dangereux parce qu'il t'amène au déni de ton corps et de tes émotions. J'ai compris, enfin, qu'on ne pouvait pas aider les autres ni même les aimer, si on ne le faisait pas pour soi avant.

Trouver ma putain de rage de vivre

J'ai une tendance naturelle à vite virer mélancolique car sensible et j'ai souvent eu par le passé du mal à "me défendre". Cercle vicieux qui peut amenuiser tes réserves d'énergie voire étouffer ton instinct de survie. Tu deviens une mare d'eau, t'as tout le temps froid, tu deviens vague, t'es flou. Moi qui suis un peu trop yin, courir m'a appris à aller titiller cet instinct et réveiller mon yang. 

Courir me permet, aussi, d'être dans le présent, de rester dans le monde. Jusqu'à mes 18 ans, j'ai lu à la place de vivre. Je vivais ma vie dans les livres. Je dévorais des romans, j'étais solitaire, songeuse, introvertie. La réalité me paraissait crue, violente, laide, tellement brutale (et je ne parle pas des guerres hein : juste, être debout, dehors, dans le présent médiocre, sans musique, sans lyrisme, sans sens et sans fluidité, absurde, en fait. C'était insupportable). Des rémanences de cette tendance à rêver la réalité plutôt que la vivre, j'en ai plein. ça me guette. Et donc, j'ai appris, et j'apprends toujours, à l'apprivoiser, en courant. Salutaire retour au corps.

Voilà en gros pourquoi je cours. Je pense que je pourrais tout aussi bien faire autre chose et que fixer des cordes sur un violon, faire des gammes sur un piano ou tricotter des pulls ça marche tout aussi bien. Mais voilà, c'est mes jambes qui ont la bougeotte.

foret

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Commentaires
E
Wahou ! J'adore ce commentaire. Le fond, la forme. #egotrip :)
L
Waouh ! J'adore cet article. J'adore le fond, j'adore la forme. J'adore ! :)
D
Ton passage sur le corps est prodigieux. Je comprends tout à fait ça. Je me reconnais sur de nombreux passages dans ce billet. Il te reste tout de même une petite question : pourquoi tu cours en compétition alors ?
B
Joli récit, touchant car tellement "vrai". N'oublie jamais ce que je t'ai dit un jour "Tu es faite pour courir, et pour courir vite". J'ajouterais "Tu es faite pour courir longtemps", tu vas adorer le 42km.
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