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Phantasma Kai Aletheia
3 juillet 2014

Un immense marketing, une immense tristesse. Le Zoo.

Même si je suis végétarienne, je n'avais pas spécialement de position sur les zoos avant aujourd'hui. Le dernier que j'avais visité devait remonter à une trentaine d'années et à 5 ans, je n'avais pas forcément la même conscience des choses.

Je suis allée au "parc zoologique de Paris" - de Vincennes, en fait - pour me faire une opinion. Notez déjà l'appellation "parc zoologique" : le concept qu'on veut nous vendre, ici, c'est celui d'un espace de liberté plus grand laissé aux animaux, comparé au zoo traditionnel de notre enfance, souvent caractérisé par les cages. Autrement dit, par un progrès liliputien acquis sur une situation passée indécente, on se justifie de perpétuer la mise en captivité en conditions (toujours) indécentes.

Ca m'a fait penser direct à la rebaptisation des collèges les plus hards de "zep violence" ces dernières années en "ambition réussite".

J'ai commencé par voir des otaries dans un bassin; environ 7 otaries, pour un bassin d'une longueur d'une piscine de 10 mètres (sans la largeur, bien sûr).

Des troupeaux de gosses hurlaient, amassés contre les vitres, leurs petits doigts graisseux de crêpe nutella achetée au snack du zoo collés sur la vitre. Poussant des cris stridents, chahutant, piquant des sprints.

Les otaries à peine regardées faisaient des longueurs. De lents allers-retours lancinants, réguliers, incessants. Symptômatique de l'animal en souffrance (cf. tourner comme un lion en cage), ce comportement névrotique est le seul qui permet à l'animal de tenir - on pourrait le comparer à celui de l'autiste qui sans cesse construit et déconstruit une maquette, par exemple. Muettes, elles faisaient leurs allers-retours. Pendant ce temps, hurlant, piaillant, bouffant des chips, les gosses me filaient la honte. Honte d'être un être humain. De faire partie de cette race animale, cruelle, conne.

C'était le 1er "enclos" où je me suis arrêtée. Ca commençait mal.

J'ai continué dans le sens de la visite, en projetant déjà une sortie anticipée.

Enclos du puma : absent - "timide" dit la pancarte collée sur la grille. Ah oui, timide? La pancarte précise que le puma peut réaliser des bonds jusqu'à 10 mètres de hauteur, et que cela explique qu'ils aient mis un filet au dessus de l'enclos. Par sécurité. Un filet qui, je vous laisse deviner, n'est pas à 10 mètres de hauteur.

Je commence à avoir la rage. Je déambule parmi les gens et je me sens de plus en plus mal. Les parents gueulent sur leur gamin parce qu'il est tombé d'une marche, la mère dit qu'il n'a pas fait exprès, qu'il n'a pas vu la marche, le père l'engueule. Les animaux sont là pour la figuration. Ce sont de jolis objets vaguement excitants pour les troupeaux de boeufs humains qui s'emmerdent. Un prétexte de balade. Comme le ciné ou la Foire du Trône. Les groupes scolaires s'ébattent dans les allées du parc, plus intéressés par leur salade-qui-traîne que par les animaux, rappelés à l'ordre par des moniteurs excédés en pantacourt.

J'ai chaud.

J'arrive à l'enclos des lions. Le lion est caché, deux lionnes se tiennent sur un rocher. La lionne, c'est l'animal qui passe son temps à courir (pour mémoire dans la savane c'est elle qui chasse, tandis que le lion se repose et garde le territoire). Dans ses gènes, vivre, c'est courir à la recherche de proie. J'appréhende l'enclos : 200 mètres. Elle a moyen de faire 200 mètres en faisant une boucle, si elle se débrouille bien. J'ai envie de chialer.

Je passe certains enclos rapidement, en regardant à peine. De toutes façons les gamins surexcités grouillent autour des vitres, débitant des conneries plus grosses qu'eux, pignant pour une glace à la vanille, absolument pas attentifs aux animaux qu'ils regardent à peine. Bouffées d'agoraphobie. Je veux sortir.

Je passe devant l'enclos d'un condor. Là encore, pancarte pédagogique nous expliquant gentiment (le concept du parc zoologique se veut éducatif, se targue d'enseigner la biodiversité au public) ce qu'est le condor, quelle est son envergure, et qu'il aime par dessus tout planer le plus haut possible dans le ciel. Cool. Là il est perché sur une branche. Le filet plafonne à quoi, 7 mètres de hauteur. Mais surtout la taille de l'enclos ne permet en aucun cas qu'il plane. Trop petit.

Je suis en colère, je m'en veux d'être venue, de participer à ça. Je presse le pas, j'arrive vers la sortie, je demande pardon aux animaux dans ma tête. Près de la sortie, re-snacks, re-salons de thé, et la boutique souvenirs où se pressent les familles. Vous achèterez bien une girafe en peluche ?

De retour chez moi, je regarde Envoyé Spécial qui s'intéressait ce soir aux zoos et à leurs promesses "modernes". J'en apprends encore....

Les zoos n'hésitent pas à séparer les bébés de leur mère brutalement parce qu'ils vont avoir besoin d'échanger, par exemple, un girafon contre un éléphanteau entre deux zoos (les zoos n'ont plus le droit de se "fournir" en capturant des animaux à l'état sauvage, donc ils s'échangent entre eux des animaux nés en captivité).

L'euthanasie de bébés pour limiter les effectifs est une pratique courante. La reproduction est contrôlée. 

Des exercices de "stimulation" sont proposés aux animaux "une fois de temps en temps" pour éviter qu'ils tombent en souffrance. Tu vois, comme l'atelier peinture de ma grand-mère à la maison de retraite. Etant trop peu fréquents, ils n'évitent pas les comportements typiques de l'animal en souffrance : atonie, asthénie, ou encore le fameux faire les cent pas.

On paye son entrée au zoo comme on paye sa place de cinéma : on va consommer de l'animal.

On se paye le petit caprice d'aller mater des animaux captifs, juste parce que nous, on est l'Homme. 

On a besoin de connaître. De comprendre. C'est important. La soif de connaissance, c'est noble. Tu comprends ?

Aujourd'hui, j'ai accru mon misanthropisme. Violemment.

large

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Commentaires
E
Merci pour la réf ! ;)
W
Peter Singer, La libération animal => une immense claque, même pour les déjà convaincus
E
(Et non, je ne suis pas d'accord. Des enfants élevés par des parents ancrés, centrés, sereins, heureux, ne hurlent pas comme ceux que j'ai vus. )
E
Les deux. La captivité des animaux , et le comportement brutal, bourrin des gamins (et des adultes aussi) mis à côté. Le "je suis enfermé" versus le "je consomme comme un drogué".
B
Cirque, Zoo, j'ai toujours détesté sans trop savoir pourquoi, ou plutôt sans y avoir jamais vraiment réfléchit. Il y a une tristesse qui émane de ces lieux qui fait que même petite je n'aimais pas y aller. Les animaux m'ont toujours paru triste... Par contre de ton côté je n'arrive pas à savoir ce que tu as le moins aimé, les conditions de vie des animaux ou le comportement des gamins? Oui les enfants ça crient, ça court, ça a les doigts qui collent, c'est un fait, même quand on aspire au calme ;)
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