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Phantasma Kai Aletheia
24 février 2015

50 nuances de marketing

Voilà quelques temps que j'observe sur le web, dans le milieu du running, une tendance marketing particulièrement étrange : celle de la course à concept.

Alors attention : j'exclus de là toutes les courses à but caritatif, dont la fin justifie selon moi les moyens (déguisements, concepts farfelus, peu importe, puisque le but est d'aider une cause, moi ça me va).

En revanche...nombre de courses plus extra-ordinaires les unes que les autres germent de toutes parts en ce moment.

Ça a commencé par les courses à boue, "mud-day" et autres "so mad", courses à obstacles inspirées des épreuves militaires, dont le but est de se tester dans un contexte ludique et solidaire : soit. Pourquoi pas. Ça ne m'intéresse pas mais je comprends qu'on puisse y trouver du plaisir.

Là où j'ai commencé à m'interroger et à perdre le fil : les "color me race" et autres courses à couleur. Alors aller courir en se foutant des pigments de farine fluos partout sur la tronche et finir en arc-en-ciel hystérique, ahaha-c'est-marrant-ça-fait-un-beau-souvenir-, pourquoi pas, mais j'ai commencé à tiquer.

Et en ce moment, c'est la surenchère.

Course sur les plages du débarquement, vous dans la peau du soldat de juin 44, barbelés, plages, tout-authentique s'il-vous-plaît, voilà pour vous faire ressentir les sensations O combien exaltantes d'un allié en passe de se faire trucider pour la patrie, le tout sous couvert fallacieux d' "hommage vibrant rendu à vos ancêtres" : what the fuck?

Course à Disneyland : euh....

Et la prochaine? Course de nuit sous feu-lesTwin Towers avec Usain Bolt qui te susurre à l'oreille que tu peux changer le monde? Marathon de Dachau, 42.2km dans les camps de la mort comme si vous y étiez, médailles distribuées par le dernier des anciens combattants? Semi marathon dans le désert de Syrie déguisé en Taliban? 10km du porno chic? Ironman de la planète Mars?

Ok donc si on analyse : les promoteurs de course ont flairé le filon : les gens s'emmerdent dans leur vie, sont en mal de sensations (physiques, émotionnelles, intellectuelles). En grosse déficience d'hormones en -ine. Ils ont bien vu : c'est le cas pour beaucoup d'entre nous, la faute à une vie sans doute mal gérée, où l'on a fini par s'oublier dans un métier qui nous plaît à moitié, où l'on se coule dans un moule social qui nous convient moyennement, où l'on se perd dans des contraintes familiales choisies puis subies. Très logiquement, pour le volet amour et sexe, le cinéma nous pond 50 nuances de grey, pour les ménagères et businessmen rêvant devant leurs pâtes au fromage, souhaitant vibrer un peu au contact de fantasmes érotiques intenses, secouer un peu leur marécage quotidien. Runnistiquement, voilà ! Ils ont trouvé de quoi faire tripper le quidam qui ne peut pas s'inscrire à la Diagonale des Fous. La course trop délire. La course trop waou. Le truc d'enfer. Le truc inédit. Le truc sensationnel. Le truc....

Egaré dans une vie vide? Viens, paye 90€, on va te faire devenir Rambo / Rocky / Soldat Ryan / Reine des Neiges, tu vas voir, tu vas trop kiffer, tu vas te sentir pousser des ailes. Tu ne seras plus le faux-toi, le morne-toi, tu seras une meilleure version de toi-même, tu seras le vrai toi ! Omnipotent ! Héros de ton propre film !

Ce genre de background archétypal du "dépasse-toi", du "toi aussi tu es un (super) héros", tente de faire oublier au quidam sa banalité, de transcender la trivialité de son existence prosaique. 

Les courses à concepts ne sont pas les seules à relayer l'archétype : toutes les marques de sport y vont de leur slogan (le slogan Nike "deviens qui tu es" est emprunté à Nietzsche et avant lui à de nombreuses traditions spirituelles).

Ce qui me gêne dans tout ça?....Ces messages superficiels reprennent de vrais messages, spirituels eux, de développement personnel. Devenir qui l'on est, apprendre de ses échecs, etc...mais qui se travaillent loin, très loin de tout ce battage médiatique, matérialiste, consumériste.

Donc voilà. ça me rend un petit peu triste, qu'on "me" prenne ma course à pied, la discipline la plus naturelle qui soit, une paire de pompe, une forêt, des potes, un dossard (ou pas), et qu'on en chie du marketing, de la surenchère, de l'exubérance, de l'indécence parfois.

Quant aux sensations...Une randonnée en falaises finistériennes, un tête-à-tête sincère, un massage silencieux, un run long en forêt dans la météo du jour, face à soi...moi ça suffit à me faire faire les montagnes russes.

Jusqu'où va aller cette mode ridicule? Vous en pensez quoi, vous? 

beaux_monts Give me my forest back.

 

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Commentaires
C
Pas mieux !<br /> <br /> Et tu m'a bien fait marer.
D
j'en pense qu'avec ce billet au sujet duquel je n'ai rien à redire, tu viens de spoiler l'épisode 1 de mon prochain projet. Faut que je t'en parle donc.
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