olibrius, énergumene, phénomène, excentrique

Terre forgée par les caprices d’éole. Libre... Ris ! Usée par les marées, elle n’en est pas moins farouche. Te prend au nez, à la gorge. Transpire le sel et l’humus puissant des algues reines. Minérale, graniteuse, hantée de croque-mitaines. Erg. Humaine, toujours, pourtant ?

Je pose mon stylo et lève la tête.

On me propose une tasse de café. « Nos menhirs vous intéressent, Monsieur…Monsieur ? »
« Jacques Milenvoy, journaliste. » J’ai bien senti la méfiance dans la question mielleuse du vieux barman. Je m’approche du comptoir et lui serre la main. Poignée de main franche, appliquée. Le regard est acéré sous les paupières lourdes.
« Alors comme ça, vous venez de Paris pour découvrir nos vieilles pierres. Par souci d’ethnologie, sans doute ? »
Je souris. 
« J’ai bien peur d’être motivé par un sujet moins gai. »
Le vieux, placide, lève à peine un sourcil et acquiesce du menton, tout en continuant d’essuyer son verre. Derrière moi, une chaise racle bruyamment le sol. J’ai juste le temps d’entrevoir une silhouette masculine perdue dans un caban, tirant sur une vieille clope. La porte du café claque. Le barman n’a pas bronché.

Je suis tout près de lui à présent et sa main essuyant le verre me captive. Puissante, agile. Je me concentre sur son index, en tri cognitif. Une éraflure encore rouge lui barre la phalange. Probable accident de travail... Je me concentre sur les bruits du café. Quelque chose a changé depuis la brusque sortie de l’homme au caban. Je ne me sens pas bienvenu, pourtant personne n’a réagi à mes mots. Et soudain, je l’entends. Le silence. Un silence épais, lourd. J’ai mis un terme à toutes les conversations, apparemment…Je remercie le barman et quitte à mon tour le vieux bouge. Je suis au bon endroit. L’enquête peut commencer.