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Phantasma Kai Aletheia
17 novembre 2015

epiphanie

13.

13 jours sans run. Dont 5 sans aucune activité physique (je ne pouvais pas marcher). Puis de la marche "cassée", lente, avec un balais dans le dos et la douleur qui crie dès le moindre mouvement de cambrure.

O ma lordose, je t'aime parce que tu me donnes ma cambrure de femme, et je te hais tellement quand tu me causes ces lumbagos.

Ces 13 jours m'ont laissé le temps d'analyser le cheminement vers le lumbago : de l'auto pression que je me suis mise toute seule comme une grande sur le dos, pour "performer" à la Rochelle et pour "performer" au collège, donner plus de rédactions que les autres profs, pour faire progresser au mieux les élèves, pour faire éclore leur potentiel, pour tendre vers l'idéal, parce qu'on ne peut pas se contenter du bien ni du très bien, hein Isa ? Le perfectionnisme a son revers. L'adrénaline et la tension, la pression que tu te mets, toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus humain, toujours plus compréhensif, toujours plus brillant. Une version toujours meilleure de toi-même. Quelle erreur tous ces slogans....si on n'a pas le recul nécessaire pour sentir lorsque l'avidité et l'orgueil s'en mêlent ; quand la modération et de sagesse s'en vont. Donner le meilleur de soi ? C'est aussi et peut-être surtout, savoir où est sa limite et aimer le niveau auquel l'on se trouve déjà. S'aimer soi. Pas la version future, améliorée, "optimisée" de soi.

Ce mardi matin-là, je prenais mon sac de cours à 7h45, pleine de cette pression et je me flinguais le dos, ruinant un marathon avec des amis et ruinant ma santé tout court. (un disque fissuré ne se répare jamais et les lumbagos chroniques causent des sciatiques et des hernies).

Serment à moi-même : plus jamais d'auto pression. Peut-être ça vaut pour toi aussi ? Refuse la course frénétique que tu as à l'intérieur de toi pour être toujours meilleure dans ce que tu fais. TU ES DEJA BONNE ET PLUS QUE LA MOYENNE. Fous toi la paix.

Je suis fière aussi de la gestion que j'en ai fait, et je l'écris ici pour le prochain lumbago qui m'arrive ou pour tout lecteur qui y serait confronté :

jour 1 à 4 : bloquée, je me force à éviter l'alitement le plus possible même si tout est très douloureux et tenir debout impossible. J'alterne des minutes assises et des minutes de quelques pas lents dans l'appartement. Inlassablement. Ne pas laisser la colonne se comprimer. Faire circuler le sang pour innerver la zone lombaire et réactiver les disques intervertébraux fissurés. Je suis les conseils de l'ostéo et du naturopathe. Pas de médicament cache-symptôme pour que la guérison soit plus rapide et qu'elle se fasse sans compensations physiques ou dommages collatéraux. Côté psy : je détricote chaque maillon de la chaîne de pression et pose des actes : suppression du marathon de La Rochelle. Mise en ordre de quelques relations affectives. Protection anti- empathie excessive au boulot.

jour 4 à 9 : je sors de l'appartement et je marche en forêt. D'abord 20 minutes. Le jour suivant 35. Le jour suivant 45. Ainsi de suite. Je clos chaque marche par deux étirements des lombaires (que je te communique si tu es intéressé).

jour 9 à 13 : la douleur a bien diminué, la marche est cassée mais plus fluide. Je commence le Decontractyl (décontracturant musculaire) le soir pour aider le corps à terminer le travail. Je continue les étirements. J'allonge les marches en forêt : 2h à J+10 et 2h30 à J+12.

Ce matin-là donc, vendredi 13.

Le temps est gris, il fait doux. J'ai bien dormi. Je me lève, laisse passer 2h (la colonne est la plus raide dans les 2 premières heures de la matinée) puis pars marcher en chaussures de running. Je sens que la marche est nettement plus souple et naturelle que la veille. J'entends des cris d'enfants à proximité du stade Jacques Anquetil. Un micro hurle. Je vois bientôt passer des nuées de petites filles qui courent, arborant des dossards. Un cross d'école, quelque chose comme ça. Très jeunes, du CP au CM2. Que des filles. Certaines pleurent, d'autres rient, rebondissent, soufflent, se concentrent. Je les regarde une par une, je suis émue de les voir, certaines souffrir, d'autres juste dans l'effort, je me sens proche d'elles. Je les encourage. Celles qui marchent surtout. "C'est bien ce que tu fais". Peut être ce que j'aurais aimé entendre quand j'étais la plus nulle du club d'athlé à leur âge...

Les voir m'a touchée. Je continue ma marche. J'arrive dans la partie sauvage du bois. J'emprunte un petit chemin bordant le ruisseau, je marche dans les feuilles froissées, il fait gris et doux. J'ai le sourire aux lèvres. Je sens que c'est aujourd'hui. Je vais regoûter à mon plaisir. Je vais trottiner...

Je croise bientôt un groupe de coureurs, ils sont cinq ou six, je les regarde et distingue Pierre Ambroise Bosse (que je croise de temps en temps ici). Il me regarde (mon petit coeur fait boum, ok-oui-d'accord-parce qu'il est beau et connu, mais surtout parce que j'apprécie sa personnalité d'athlète et d'homme tout court). Un signe ? Je suis de plus en plus pleine d'espoir. Les petites filles athlètes en herbe, cet athlète accompli...La boucle. La course c'est tellement beau. C'est comme la vie en miniature, la vie mise en abyme. 

Je regarde ma montre : 30 minutes. C'est l'heure de commencer le test de footing. Je jette un oeil au Hibou Sculpté qui semble valider ma décision et je lève les pieds...Je commence doucement, dans les feuilles mortes, attentive à chaque mouvement de bassin, comme un chat qui court léger.

Je continue....je respire...

Je sens que le corps est d'accord....

30 minutes de bonheur sur un fil....La pluie se met à tomber, une pluie d'orage, drue et battante, mais chaude. Je ris, je pleure, c'est la pluie, c'est les larmes, c'est les petites filles, le run, Pierre Ambroise Bosse, la vie. Tout est connecté et relié ce matin. Tout a du sens.

J'ai tellement souri. J'ai mal au coin des lèvres en t'écrivant ce soir...

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Commentaires
C
Je me demande aussi ce que je fous dans le 21e siècle. Je suis complètement dépassée par toutes ces technologies. Une vraie mamie... J'ai l'impression de comprendre ce que tu ressens, la sensation d'être une autiste qui n'a pas sa place. Merci pour ce billet Isabelle.
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