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Phantasma Kai Aletheia
24 novembre 2015

Moins. Plus. Tout. Rien. Et ça aussi.

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Marre du toujours plus.

Marre des topbodychallenge, des toujours plus mince, plus gainé, plus sculpté

Marre des ultras, des pays les plus lointains, des sommets les plus hauts

Marre des plus rapides, des plus endurants, des plus extrêmes

Marre de la course aux RP, des sub machins

Marre des plus de concours, plus de cadeaux, plus de montres, plus de photos sublimes, plus d'amis, plus de tout.

Je sature de tout ça.

Je joue le jeu depuis tant d'années. Pour ne pas être à part. A part de la grande communion des Hommes. Du partage universel.

Et si ce n'était pas ça ?

Et si on essayait d'aller vers ce qu'on est, vraiment? Juste pour voir, juste pour essayer. Voir si c'est confortable.

Envie de moins : j'ai toujours eu envie de moins à l'heure où il faut vouloir plus. Des envies toutes simples. D'aller voir de l'autre côté du bois juste pour voir, de nager jusqu'à la balise et puis de sécher au soleil. De manger chaud, de boire des tisanes, de l'eau, de sentir le soleil sur ma peau, de regarder la cime des arbres d'en bas. De sentir la fumée dans les forêts. De coller à ce que je veux vraiment, plus à ce qu'il faut pour être le parfait être humain de 2015 intégré à sa société, conforme à la doxa de son époque. Au risque d'être à côté de la plaque, à côté des conversations, pas dans le coup, trop rêveuse, larguée, à l'ouest, contemplative. 

Quand tu es un peu différent, tu es décrébilisé. Taxé de fantasque, "pas rationnel", "rêveur", "idéaliste". Pas pris au sérieux. Tu proposes des choses différentes, des façons de vivre différentes, qui nécessitent de remettre en cause tout un système. On te dit "bah, c'est comme ça". " Tout le monde fait comme ça". "Tu pourrais t'adapter". "On n'a pas le choix". "c'est pas pragmatique". Ou bien même pas : tu te sens juste tout seul et tu t'ennuies, quand les gens autour de toi parlent bibelots, marques, événement, gamme de produits, nouvelle appli. J'ai essayé, je vous jure. J'arrive pas à m'intéresser. Des fois je voudrais. Je voudrais pouvoir m'emballer pour les macarons machin, les montres trucs, les figurines disney, les marques d'eau de coco, les beauty boxes, les fonds de teint poudre, les week ends à Londres, le shopping en ligne, les applis, les concours, les méthodes de gainage, le dernier objet de machin.

J'arrive pas, je sais pas ce que je fous dans le 21e siècle. L'univers s'est gouré. Je sais pas, je dois venir d'une proto-histoire où y avait pas d'objets, de couleurs de rideaux ou de t-shirts imprimés, mais des sensations des corps et des sentiments. Moi j'ai juste envie de dormir, de manger, de courir, de regarder les arbres, de sentir la forêt, de faire des calins aux gens, de rire, de m'allonger dans l'herbe, de lire des mots, d'écouter des notes, goûter tes lèvres, bouger les hanches, faire semblant de chanter comme Lisa Gerrard, marcher en claquant un deuxième rythme avec mes doigts qui s'intercale avec celui de mes pas, danser sur du Kenji Girac et puis jouer Erik Satie au piano et pleurer sur Beethoven. Faire la course avec un garçon, sourire à un chien, photographier une feuille, faire un jeu de piste, me donner une mission de chevalier, parler à mon corps, voir des signes partout. Appuyer sur les poteaux réguliers qui jalonnent la rue. Marcher sur la margelle du trottoir. Etre charmeuse et en même temps coincée comme une préado. Avoir 42 tons de voix différents et 12 émotions à la minute et 5 réalités différentes perçues dans un instant. Trier ou juste laisser vivoter les mots qui passent dans ma tête-éponge trop perméable.

Hypersensible, enfant précoce, enfant zèbre, blabla-étiquette entendu dans la jeunesse.

Je suis autiste adaptée quoi.

Mais après tout est ce que c'est grave. Si on est un peu décalés, si y a pas de moule de ce qu'on présente.

Et pour le mode de vie, et si on l'avait, le choix ? Le droit d'être décalé, le droit qu'il n'y ait pas de sens rationnel à tous nos gestes et toutes nos décisions.

Le choix de raisonner autrement. De sentir par l'intuition ou l'instinct plutôt que par la raison de Descartes. De capter la peur derrière un mot rassuré, de discerner la colère derrière un discours qui se veut calme ou aimant.

Le choix de voir à travers les voiles. De voir derrière l'arbre, la forêt qui se cache. De vivre et de choisir nos relations comme on sent que c'est "juste".

***

Un jour un homme a rencontré une fille et l'a jugée extravertie et à l'aise. Elle était feu follet, elfe enfantin. Il a vu le côté espiègle, il n'a pas senti la pudeur, le romantisme. Lorsqu'elle couchait avec un homme, elle donnait un bout de son âme. Elle seule le savait. Elle était vulnérable, fragile. Invisible à l'oeil nu. La plupart ne le sentaient pas. Se cantonnaient au jeu des apparences, la qualifiaient de "coquine", et, sans malveillance, manquaient de délicatesse. Lui non plus ne l'a pas vue.Toute forte ou fanfaronne qu'elle paraissait elle n'aspirait qu'à des paroles qui touchent à coeur. A des yeux qui voient au travers de ces voiles, à des bras qui l'enserrent sans briser, des mains qui aiment en caressant sa joue. 

Ce n'était pas un viol, non. Juste une relation classique, consentie. Un corps à corps de surface. Un aveuglement banal, ordinaire, accepté parce qu'impossible à contrer. L'indolente passivité de l'espoir vaincu. Comment expliquer, quand l'autre ne voit tellement pas? Effort vain. Capitulation volontaire. Regard vide où même la tristesse s'est éteinte. Ma Solange, mon Emma, ma soeur, mon âme. Ton histoire m'a bouleversée. Je voudrais être homme pour te toucher délicatement et demander pardon pour tous les autres.

Mères, pères, apprenez à vos fils. Apprenez leur à dire "tu es magnifique" plutôt que "t'as un corps magnifique". Apprenez à vos fils que "je vais te découenner" ne séduit pas une femme mais ferme toutes ses pores. Qu'une femme, même libérée, même pleine d'envie, même sensuelle, n'est jamais sans âme ; qu'il faut la présupposer toujours. Ce garçon qui recouvre l'épaule nue de la fille-loup farouche et endormie pour ne pas qu'elle se refroidisse est plus fort que celui qui renverse les montagnes. Celui-là qui s'agenouille pour relever son ennemi blessé a plus de trempe que tous les chefs de guerre. Tu seras un homme, mon fils.

Apprenez à vos filles à ne pas faire semblant d'être fortes. Apprenez-leur à faire respecter leurs propres fragilités. Une rose respirée trop fort s'étiole, se froisse. Solange, Jeanne, Eve, Médée, Véra, apaisez vos douleurs en rendant vos filles fières d'être sensibles, émotives, libres, vulnérables, introverties, audacieuses, fantasques. Rêveuses, folles, différentes.

***

J'ai envie d'un Noel sans repas, sans viande, sans foie gras, sans chocolat, sans alcool, sans conversations croisées, sans sourires en trop. 

J'ai envie d'un Noel de paix. D'un Noel sans passé et sans avenir. Où tous les compteurs sont remis à zéro, toutes les consciences vides de rancoeurs ou de futurs. Une trêve à la conscience chahutée du monde. Envie d'une promenade en forêt, d'un jeu de cartes. De simplicité. De gens qui s'écoutent vraiment. De silences. D'un peu de piano ou de guitare. De gens qui marchent dans les feuilles mortes. De tisanes, de clair de lune au bois. D'un feu qui crépite. D'une rivière sous la brume. De bras d'homme enlaçants, rassurants, solides, paternels. D'odeurs d'herbe mouillée. De runs ou de rires avec les vrais amis, pas ceux qui font semblant, mais ceux qui sentent. De mots mal calibrés, de présences gênées, de non-dits charmants, de petites attentions qui font tout. De troncs d'arbres immobiles. De danser sous la pluie. De thés dans des bars qui se vident à la tombée du soir. De douche brûlante après la course. De peau contre ta peau. De toi qui me protèges, toi que je ne connais pas encore et que j'ai cherché dans tous les autres.

 

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Commentaires
M
En effet, je suis d'accord avec toi, je ressentais plus une certaine "détresse" dans d'autres articles mais pas dans celui ci.<br /> <br /> Merci pour ta gratitude et ton souvenir ... C'est pour moi plus important que toutes les montres gps gratos ou les évènements hype :)<br /> <br /> Je suis contente que tu arrives mieux à être toi et pour l'âme sœur qui te fait languir, je suis certaine qu'elle t'attend au bout de ces tranches de "préparation" que la vie te fait vivre ou parfois subir. Il faut du chemin pour pouvoir s'unir, en vérité ..<br /> <br /> Je t'embrasse aussi,<br /> <br /> Marie
M
Chère Isabelle, chère co-zebrette :)<br /> <br /> Je suis beaucoup moins sur Twitter donc je ne vois pas les articles que tu relaies et d'ailleurs généralement je n'en lis aucun. On me demande souvent quels blogs je lis et je risque de me faire damner mais à vrai dire aucun tellement je m'ennuie avec les tests produits et ms récits beats. J'ai d'ailleurs un pu trop multiplié les tests récemment, faute de pouvoir courir donc vivre pleinement event dans mon corps et raconter tout ce qu'il pouvait en découler. Mais, j'ai choisi d'aller spontanément sur ton blog parceque j'adore ta façon d'écrire, ta sensibilité même si parfois je ressens un peu trop une forme de détresse dans tes mots et qu'ils me touchent...et que te lire est toujours tellement agréable et enrichissant. <br /> <br /> Je partage ce que tu exprimes dans cet article et je peux t'assurer que mon année de blessure physique donc morale et disons le, de handicap, m'a fait bien reconsidérer les choses. Je suis en train de guérir mais j'ai tourné une page et les choses ne seront jamais comme avant. Il y a également des jeux que je n'ai plus envie de jouer et des choses bien futiles que je n ai plus envie de faire l'effort d'aimer.<br /> <br /> Certes la société se satisfait de peu ou de beaucoup à ses yeux, mais un beaucoup qui pour nous sonné creux tant il manque de sens, de consistance, d'intensité.<br /> <br /> Aussi je t'encourage à esperer, à rester celle que tu es en ne chercha' ni à fuir la réalité du 21e siècle ni à te conformer à ce que tu rejettes.<br /> <br /> Je te souhaite d'apprendre à aimer etre toi et de ne jamais cesser de chercher cette transcendance à laquelle tu aspires, à laquelle nous aspirons tous au final - certain n'en n'ayant encore que trop peu conscience. Keep going :)
C
Je te souhaite de trouver le gars qui t'aimera comme tu es. Bref, boujoux.
M
petite larme à l'oeil... très bel écrit Isa.<br /> <br /> Je suis sensible à ta sensibilité...
E
Hello Isa,<br /> <br /> <br /> <br /> Je lis rarement de textes aussi long dans ma vie et quand je te lis j'ai l'impression de lire de la poésie. Certes, je suis plus habitué à lire des blogs high tech et des blogs running.<br /> <br /> <br /> <br /> L'univers s'est pas gouré, t'es bien là pour une bonne raison. Je dirais celle qui fait qu'il y a des irréductibles pour mettre en perspective le chemin général par le simple fait de le prendre dans l'autre sens. Ceux - là (toi) sont nécessaires parce que d'une part il faut de tout pour faire notre monde, et d'autre part ça permet un peu d'ouvrir les yeux à ceux qui ont la tête dans le guidon, dont je fais parfois partie.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis de ceux qui se contentent plus vraiment d'une tisane et d'une course en forêt. Et te lire m'intéresse beaucoup quand même. Ça me changera sûrement pas, mais ça entretien ma capacité à relativiser. <br /> <br /> Merci pour ça.<br /> <br /> <br /> <br /> Le problème n'est pas le siècle, c'est la société dans laquelle tu évolues. Tu trouverais pleinement ton bonheur à vivre en exil dans un chalet paumé sans téléphone ni télé avec Hugh Jackman (ou équivalent, car celui là doit pas être facile à pecho). Et ça, c'est accessible au 21e siècle :). L'exil / le sens inverse ou le chemin parallèle est un choix personnel et il ne faut en aucun attendre de la société actuelle qu'elle l'accepte. C'est ça aussi s'accepter comme étant différent. Assumer et être fier de ses émotions, ses aspirations, ses vulnérabilités. C'est couillu d'être différent et de l'assumer. Comme tu le dis t'as longtemps essayé de ne pas l'assumer et t'as pas réussi. Tu t'es rendue à l'évidence et maintenant tu es plus forte.<br /> <br /> <br /> <br /> Et bon courage avec les hommes, j'en connais plein et sans m'aventurer dans des statistiques, ils ne sont pas câblés pour vous comprendre. Ça veut pas dire que c'est sans espoir, juste que c'est pas évident. Trouver une personne qui a les mêmes aspirations, qui les exprime de manière honnête et qui saura lire entre les lignes et faire les concessions, c'est du taf !<br /> <br /> <br /> <br /> Bon, il semble que j'arrive comme des millions de mouton au travail et que je vais devoir tenter une journée de plus de trouver mon importance dans la société en faisant des PowerPoint. Putain Maslow avait raison ! <br /> <br /> <br /> <br /> A plus dans le virtuel ou dans le réel !<br /> <br /> <br /> <br /> PS : c'est un conseil qui ira probablement dans les oubliettes car occulté par la force de tes émotions mais je le tente. Quand on publie, on accepte d'être à la merci de personnes aux points de vue contraires et munies d'une faculté d'expression virulente. En d'autres termes, un violent qui va venir déverser un peu de colère avec parfois du fond et parfois non. Ces gens là ne devraient pas t'affecter. En tant que personne qui publie ces opinions tu dois pouvoir te dire "ah, un violent" et passer à autre chose émotionnellement. Toute personne devrait savoir s'adresser à d'autres en y mettant un minimum de forme. Si tu as affaire à des gens qui n'en sont pas capable, alors laisse courir. Je te dis ça parce que j'ai le sentiment que la fameuse personne qui est venue démonter ta vision feeling de la course est quelque part entre les lignes de ce billet.
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