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Phantasma Kai Aletheia
16 décembre 2016

Hyperesthésie, agoraphobie, hypersensibilité, autisme, Asperger

L'hyperesthésie

Le mot vient du grec "hyper" qui signifie "grossissant, maximisant, exacerbé", et "esthésie", qui signifie "les sens, la perception".

C'est une sorte de "loupe" posée sur chacun des 5 sens, qui donne accès à une réalité maximisée, augmentée, zoomée.

C'est une exacerbation naturelle des 5 sens. Une sensibilité plus forte que la moyenne au niveau de l'odorat, du goût, de la vue, de l'ouie, du toucher, qui fait que l'hyperesthésique va percevoir le monde "plus fort" que les personnes lambda. C'est une sorte de feu d'artifice permanent qui accable ses récepteurs sensoriels. Les sons sont entendus plus forts, les paysages et détails visuels sont vus plus intensément, le toucher provoque des vibrations plus profondes. Un kaléidoscope de sensations s'accumulent, se chevauchent, se succèdent et déposent leurs impressions dans la boîte pleine du cerveau de l'hyperesthésique. Une psychothérapeute m'avait un jour évoqué cette image d'un store vénitien, dont les lames seraient ouvertes au maximum, laissant tout passer, sans filtre.

L'hyperesthésie concerne les autistes, les personnes atteintes du syndrôme d'Asperger, mais aussi les adultes surdoués, dit "zèbres" , "hypersensibles" ou "à haut potentiel".

La cause : des neurones plus vifs, plus réactifs au niveau des synapses (myéline différente de celle de la moyenne de la population)

Les neurosciences apportent de nouvelles réponses : pour certains chercheurs le cerveau autiste est un “supercerveau”, une cerveau hyperconnecté dont les fusibles cèdent plus rapidement que dans le nôtre.

Au Centre de consultation spécialisée en autisme de l’Office médico-pédagogique de Genève, la psychologue Hillary Wood recherche chez les enfants les signes de la triade autistique: trois symptômes que présentent tous les autistes. Le premier renvoie à des anomalies dans la communication verbale: l’enfant emploie des phrases répétées, comme un écho qui parasite la conversation. Les psychologues ont aussi décelé le symptôme du «centre d’intérêt restreint». Le troisième élément de la triade autistique concerne, quant à lui, des difficultés dans les interactions sociales. Les deux premières attitudes peuvent découler de l'hyperesthésie. Un centre d'intérêt restreint, une "obnubilation", une "fixation" peut être, justement, un moyen de s'extraire du trop plein d'information, de le concentrer dans un thème unique, en quelque sorte de focaliser afin de s'apaiser.

Sans aller jusqu'à l'autisme, de nombreux hyperesthésiques peuvent ressentir une énorme colère et un stress violent rien que par le croisement de deux sons différents qui se chevauchent et se contredisent : par exemple, une conversation avec un ami, et une conversation à la télévision, assez forte. Cela peut être insoutenable et nécessiter l'arrêt de l'une ou de l'autre.

Dans le cerveau autiste, non seulement c’est un chantier permanent, mais le trafic y est plus dense et les embouteillages plus fréquents. En clair, plus proche d’un carrefour en ville que d’un croisement à la campagne. C’est la théorie du monde intense. Pour permettre au cortex des enfants autistes de se développer correctement, il doit donc être mieux protégé des aléas du quotidien.

L’écho de pas tonitruants avec une onde sonore visible ondulant autour des talons. Des ballons multicolores qui brillent et brillent encore jusqu’à apparaître blancs… Un bruit de sonnerie constant qui ne fait qu’amplifier… Quelques pièces de monnaie tombées par accident mais qui sonnent comme un coup de canon! La respiration qui devient de plus en plus difficile et le champ de vision qui commence à se rétrécir…

Tous ces événements imperceptibles dans la vie quotidienne de la plupart des gens deviennent une lutte pour ceux qui vivent avec l’autisme. La National Autistic Society – Société nationale autistique (NAS) –  du Royaume Uni a publié un court  film de réalité virtuelle qui permet à des non-autistes de faire l’expérience de ces épisodes de surcharge sensorielle. (voir ci-dessous).

Ces extraits, cette vidéo témoignent de ce que vivent les hypersensibles soumis à une sorte de surstimulation sensorielle, de surcharge perceptive. Une plongée dans un environnement dit "normal" leur apporte une quantité bien plus fine, plus intense et plus forte d'informations olfactives, gustatives, tactiles, auditives et visuelles, qu'une personne lambda. Ils vivent dans une sorte de réalité augmentée.

Les inconvénients 

Les inconvénients paraissent évidents : sortir de chez soi, de sa bulle calme, peut devenir un véritable calvaire. Pour un hypersensible fatigué, sans énergie ou en phase de dépression, et a fortiori pour un autiste. Un carrefour, la circulation automobile, les klaxons, le bruit des sirènes, les foules de gens pressés qui marchent et se bousculent, les mauvaises odeurs, ou même le trop-plein d'odeurs, forment une sorte de sur-stimulation épuisante, comme si le cerveau était happé par l'extérieur, et éparpillé en mille morceaux, "pris" , captivé par chaque bruit, odeur, vision, se succédant à grande vitesse. La saturation survient très rapidement, là où elle prendrait davantage de temps chez une personne lambda soumise aux mêmes stimuli. Cela commence par une agitation intérieure, puis manifeste, et une fatigue intense, ainsi qu'un stress qui peut aller jusqu'à la paralysie. Le champ de vision est rétréci, la personne fonctionne en mode "animal", cherche l'issue la plus courte, ne parle pas, bascule en mode survie. Les crises de panique sont fréquentes. De l'intérieur, c'est un peu comme si vous étiez "pénétré" par le monde extérieur, assailli, sans pouvoir vous en protéger. Que vous étiez mis à terre par une bourrasque violente, "soufflé". Le cerveau se retrouve à devoir traiter une surcharge d'informations supérieure à celle que reçoivent les gens normaux, dont la perception est moins fine. Cette surcharge d'information éveille les circuits neuronaux, agite, excite, puis panique car le tri est impossible.

L'accumulation de bruits, d'odeurs, de stimuli visuels, les conversations croisées et bruyantes, entrecoupées d'images criardes qui durent quelques fractions de seconde à peine, finissent par induire une sorte de "transe", d'agitation intense de laquelle l'hyperesthésique est totalement prisonnier. Il n'a pas le temps de les traiter chacune, car elles sont trop nombreuses et intenses. Son cerveau est engagé, investi, ravagé par ces stimuli qu'il subit sans pouvoir s'en extraire. Un peu comme un lavage de machine intensif qui s'opèrerait à l'intérieur du cerveau. L'hyperesthésique, une fois qu'il est soustrait à ces stimuli insupportables, se retrouve comme éreinté. Il va lui falloir énormément de temps seul, au calme, pour se "récupérer", se reconstruire, retrouver son axe.

Les situations et lieux les plus fréquemment déclencheurs d'angoisse : les carrefours de grandes villes (boulevards, forte circulation automobile, métro, cyclistes, passants, feux...). Les hypermarchés s'ils sont bondés (stimulis visuels, mouvements de foule). Les rassemblements (stade de foot, fêtes, bars...). La proximité physique, olfactive, ajoutée aux bruits (métro). Le télescopage de bruits concurrents (ex : entretenir une conversation avec quelqu'un, dans un fond sonore très bruyant).

Ainsi, la personne, pour se protéger, peut avoir tendance à s'isoler, à se couper de la vie sociale pour sa propre santé.

Les avantages

Oui, il y en a ! Une capacité à s'émerveiller de la moindre touche de lumière sur une feuille dans un arbre au milieu d'un parc, devant laquelle personne ne s'attarderait, que personne même ne remarquerait. La beauté visuelle ou sonore d'un froissement de jupe, d'un mouvement de corps imperceptible à l'oeil standard. Une extase gustative en savourant un aliment, en en saisissant toutes les nuances, les raffinements, les subtilités. Un paysage. Une musique..Les hyperesthésiques sont bien souvent....des esthètes.

Un artiste hyperesthésique saura créer avec subtilité, jouer des nuances sonores ou visuelles et provoquer des émotions.

L'hyperesthésie peut aussi être une source d'empathie notable dans la relation à l'autre. L'hyperesthésique ressent tout plus fort, donc capte des signaux qu'émet son interlocuteur (et dont ce dernier n'est pas forcément conscient !). Il peut capter ce qu'il ya  derrière une inflexion de voix. Il sait créer des atmosphères chaleureuses et accueillantes pour l'intimité de l'autre. Il sait

L'hyperesthésie, c'est cet étrange "mal"  dont souffrait la fine et délicate Princesse au Petit Pois dans le fameux conte de fées ! Sous x couches de matelas, la future belle-mère avait dissimulé un petit pois. Elle recherchait pour son fils une jeune femme délicate, sensible. Elle avait fait venir des dizaines de jeunes femmes. Toutes dormaient d'un sommeil de plomb. Elle congédiait les grossières insensibles...Un matin, une jeune femme, les yeux fatigués, avait confessé son embarras...Elle n'avait pas dormi de la nuit, gênée par ce petit pois....Elle fut choisie par la mère pour épouser son cher fils...

S'en accommoder ?

Quelques pistes peuvent être proposées.

1/ L'admettre. Vous ne pourrez pas changer la qualité de votre perception. A moins de raboter vos oreilles, votre nez, voiler vos yeux, ganter vos mains et anesthésier votre palais, elle sera toujours supérieure à la normale. L'admettre, c'est faire un pas vers la manière de s'en accommoder.

2/ Choisir son lieu de vie. Ses lieux de rencontre. Oser proposer des lieux qui vous inspirent et vous apaisent, et refuser ceux qui vous angoissent. Trouver des alternatives au métro, au bruit.

3/ se créer des sas. Des bulles. Savoir détecter lorsque son seuil de tolérance est proche d'être dépassé, afin de se mettre au calme avant que la crise se déclenche. (ceci suppose d'être en lien avec son corps, d'être "à l'écoute". Le yoga et la méditation permettent de développer cette capacité).

4/ avoir un kit de survie sur soi : des boules quies toujours dans une poche, une couverture pour le froid ou pour se faire un cocon, une musique fétiche ou un livre favori..

5/ travailler son ancrage. Yoga, respiration, toutes les postures ancrant les pieds dans le sol, aident à rester centré, à moins se laisser dé-centrer par les stimuli extérieurs.

Liens : 

Le film français : le Goût des Merveilles

extrait simulation au coeur du cerveau d'un autiste

( lien des deux vidéos : http://www.larealitevirtuelle.com/2016/06/10/realite-virtuelle-video-montre-etre-autiste/ )

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Commentaires
C
J'ai téléchargé le film après avoir lu ton article. J'ai beaucoup aimé.<br /> <br /> Même si c'est beaucoup moins extrême chez moi que dans le film (heureusement), je suis du genre à trouver insupportable d'écouter une conversation si la télé est allumée par exemple. Et ça me fait toujours halluciner de voir que ce genre de situations ne dérange personne à part moi !
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