Post-partum blues
Bon ben, c'est aujourd'hui, en fait.
Dimanche, une super course, un super chrono par rapport à mes estimations. Dimanche, lundi, mardi, mercredi : des bouffées d'espoir concernant mon avenir sportif, une euphorie claire et nette. Un footing de récup de 10km lundi, une pause apaisée mardi, une sortie longue sous la pluie (18km en 1h42) mercredi. Le tout, avec de bonnes sensations, sans jamais forcer. La décision, par dessus le marché, d'aller faire un peu de vitesse le jeudi...
Et le voilà qui arrive sans prévenir. Qui me prend par derrière et tout entière en plus. Qui étend ses longs bras et enveloppe mon estime à tous les étages (sportif, affectif, image, apparence, féminité, sens de la vie) pour la plaquer contre le sol.
Toi qui me plombes, toi qui me mines, toi qui m'inondes et qui me brimes. Je te connais, je te reconnais. Tu me suis à la trace, depuis longtemps. Tu es puissant. Très puissant. Tu guettes la moindre escalade de plaisir, la moindre exaltation jouisseuse. Et tu as eu raison puisque depuis dimanche j'y ai lamentablement cédé. (Moi, nouvelle reine du 20km, un potentiel encore inexploité, un corps vierge de tout fractionné, les lauriers m'attendaient, dans quelques mois, quelques années tout au plus). C'était le up. C'était l'appel que tu attendais, toi, le down, pour me ramener sur terre, sous terre.
Tu as pris ce matin ta forme préférée, celle du discours accusateur de mes courbes, muscles, chairs, airs. Celui de l'oeil implacable et de la sentence radicale.
Comme d'habitude, tu as fonctionné. Au bout de quelques heures, je me suis mise à me souvenir que j'avais 5 bons kilos en trop, une coupe de cheveux ratée, des joues trop rebondies, des cuisses énormes, des membres épais.Tu me dictais tout ça. Que j'avais tort de me sentir cygne tandis que j'arborais une armure de Golgoth. Que mes chronos de course n'étaient pas si bons comparés à ceux des autres. Que j'étais au chômage depuis 137 jours et que je ne servais à rien. Oui, tu as réussi à me faire dire que je ne servais à rien. Parce que je ne vais pas au travail le matin et que la course à pied est l'unique chose qui occupe mes journées.
Mais pas cette fois, non. Je te sens encore là à l'heure où j'écris ces mots. Tu as envie de t'insinuer entre les lignes, tu as envie de récupérer mon discours et de le tordre dans ton sens. Tu veux que j'écrive que tu as raison, que je ne sers à rien, que je suis épaisse et que je suis inférieure.
Mais pas cette fois, non. Je t'ai trop laissé triompher, pour savoir que les pentes où tu me mènes sont pires encore que les constats que tu dresses.
Je te le dis gentiment: tu as tort. Je décide de ne pas te croire. Tu ne m'empêcheras pas de prendre soin de moi. J'apprends de mieux en mieux à le faire et je vais continuer.
Va-t'en maintenant.